Dépendance ou attachement ? Ce que la psychooptique voit que la psychanalyse ne dit pas
En psychanalyse, l'on parle d'attachement. L’enfant s’attache à sa mère, au visage, au ton de la voix, au rythme des soins. Ces liens précoces — ou leur absence — sont censés structurer le développement émotionnel et relationnel. Mais pour la psychooptique, ce que l’on appelle « lien affectif » n’est pas la racine : c’est déjà une conséquence. Ce qui précède, ce qui fonde, c’est la dépendance au niveau le plus brut : la survie.
Avant tout affect, il y a besoin. Avant tout lien, il y a ressource. L’enfant humain, au contraire de nombreux animaux, ne peut survivre seul. Il est biologiquement, structurellement, dépendant. Il ne peut ni se nourrir, ni se mouvoir, ni même réguler son propre corps sans aide. Cette dépendance première n’est pas psychologique : elle est vitale. Et c’est là que se forme la première structure optique de la conscience.
La psychooptique affirme que la conscience n’est pas un centre de traitement, mais un instrument de focalisation. Et ce qui focalise en premier, c’est le point d’accès à la ressource. Le sein, la main, le visage nourricier deviennent les premiers pôles de concentration attentionnelle. Non pas par amour, non pas par lien, mais par nécessité. L’enfant regarde ce qui lui permet de rester en vie. Et ce regard inscrit déjà une logique : ce qui me maintient en vie, je dois m’y accrocher. La dépendance n’est pas une dérive de l’attachement — elle est son socle.
Ainsi, ce que la psychanalyse appelle « attachement sécure » peut être relu, en psychooptique, comme une stabilisation précoce du regard sur une source unique. Le confort, la tendresse, l’amour : tout cela peut exister. Mais ils viennent se poser sur un fond bien plus archaïque — la nécessité de survivre à travers l’autre. L’autre n’est pas d’abord un sujet relationnel : il est un vecteur de ressource.
Ce modèle optique se complexifie avec le temps. Ce n’est plus seulement la nourriture : ce sont les soins, la validation, la présence, le langage. Mais la structure reste la même : la conscience apprend à orienter son focus vers ce qui permet de rester intégré, nourri, reconnu. Et ce focus devient, avec le temps, automatique. Plus tard, ce n’est plus la mère, mais le professeur, le groupe, le partenaire, l’idée, le système. La dépendance primitive s’est déplacée, mais son architecture est intacte.
Là où la psychanalyse parle de carences, de types d’attachement, de conflits internes, la psychooptique lit des scripts optiques préinstallés. Des zones de regard obligatoires, autour desquelles la conscience se structure. Un sujet dépendant ne souffre pas d’un déficit affectif — il est enfermé dans un cône visuel qui ne lui laisse pas d’alternative. Il regarde là où la survie fut un jour garantie. Et ce regard persiste, même quand la ressource devient toxique, inaccessible ou absurde.
Le cœur du problème n’est donc pas émotionnel. Il est optique. C’est une question de fixation archaïque du focus. Et tant que cette fixation ne peut être déplacée, le sujet restera prisonnier de son propre angle — répétant, cherchant, réclamant. Non pas par désir, mais par ancien réflexe de survie.
Ainsi, la dépendance ne s’oppose pas à l’attachement. Elle le précède. Elle le fonde. Et parfois, elle le parasite. Car quand la ressource devient rare ou instable, c’est toute la structure du regard qui s’effondre. Et dans cet effondrement, le sujet n’a plus d’accès à l’alternative. Il ne sait plus voir autrement.
La sortie n’est pas dans l’analyse du lien, mais dans le réapprentissage du mouvement du regard. Voir autrement, ce n’est pas aimer différemment : c’est survivre sans la béquille initiale. Et cela, pour la conscience humaine, est peut-être le plus grand des sevrages.